DM en Ayiti


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Published: May 28th 2016
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Lundi 16 mai débutait une nouvelle semaine de travail haute en couleurs. En matinée, j’ai rencontré Dre Josette Sanon, une jeune médecin responsable de la santé materno-infantile pour le département du sud-est. Mes visites dans les différents établissements de santé se grefferont à ses visites de contrôle, donc nous formerons une équipe au cours des prochaines semaines. Je savais que le département était grand, mais je m’en suis rendu compte seulement à ce moment-ci, lorsqu’il fallut planifier nos visites. Nous devions bloquer quatre jours de suite pour visiter les SONU-B (centres de Soins obstétricaux et néonataux d’urgence de niveau B) du versant est du département, et cette visite serait conditionnelle à ce qu’il ne pleuve pas trop, sinon les chemins seraient impraticables. Trouver des dates qui fonctionnaient pour tous (se joindront à nous deux autres personnes, un spécialiste des statistiques et une infirmière haïtienne de l’Unité de santé internationale), entre les nombreux fériés de la période et les activités déjà planifiées de ma superviseure, relevait de l’exploit. Pour ma part, je devais avoir le temps de faire une observation structurée, quelques entrevues avec des prestataires de soins et éventuellement des entrevues avec des usagers qui ont été référés à un niveau plus spécialisé d’établissement de soins, et ce, pour chaque établissement. Nous avons pu arriver à un calendrier très préliminaire qui sera certainement sujet à des changements. Premières visites : jeudi et vendredi cette semaine! J’avais intérêt à faire valider mes grilles d’observation et d’entrevue rapidement… Un autre impératif me venait à l’esprit : la fameuse dernière entrevue avec le Directeur de santé scolaire du Ministère de l’éducation, pour mon autre projet à Port-au-Prince. Sa contribution est essentielle pour que mes analyses puissent tenir compte du point de vue éducation… quand même important pour une planification en santé scolaire! Le temps me manquait, donc j’ai décidé de le rejoindre immédiatement, prêt à faire un aller-retour à la capitale (6 heures de route, quand même!) seulement pour le voir. Appels et textos sur son cellulaire, sur celui de son assistant, à ma superviseure du Ministère de la santé, courriels… silence radio… sauf un court courriel pour me dire que jeudi était férié (jour du drapeau), donc qu’il n’était pas disponible. Un peu frustrant, vu que ça ne m’avançait à rien et que je n’obtenais aucune réponse au téléphone. J’ai passé la journée à essayer de le rejoindre… en vain. Vu la situation inchangée rendu en début de soirée, je lui ai offert une entrevue via Skype le lendemain matin 10h. Je lui offrais aussi l’option téléphonique, par Viber ou n’importe quelle autre plateforme. Aucune réponse à mes appels/textos/courriels… j’étais peut-être devenu un peu harcelant. Mais on m’a dit qu’il fallait faire ainsi parfois pour avoir une réponse ici, que les gens ne perçoivent pas le fait d’avoir 40 appels manqués d’un même numéro comme étant un problème. Du moins, j’aurai tout essayé! Petite joie dans cette journée quelque peu frustrante : j’ai découvert qu’il y avait un dîner offert tous les jours dans la cantine de la Croix-Rouge! Quel bonheur! Ri pwa (riz avec haricots), kabri (viande de chèvre) et légumes, tous les jours! Et c’est une aubaine, 2$ américains par dîner. C’était délicieux. En soirée, Vladimir, qui avait passé une partie de la fin de semaine avec nous, est venu me porter des croquioles (beignets version haïtienne). Il semblait triste, mais n’a jamais voulu me dire pourquoi. M’est venu un doute à l’esprit… ai-je bien fait de l’inclure dans toutes les activités de la fin de semaine? Il restait un peu en retrait à chaque fois, bien qu’il souriait lorsqu’on lui parlait. C’était même la première fois qu’il allait au Bassin bleu. Est-ce que le poids de la fatalité du quotidien est moins lourd lorsqu’on ne voit pas au-delà des clôtures qui nous contraignent? Est-ce que le fait de lui donner accès à quelque chose qui normalement lui est inaccessible lui a fait plus de mal que de bien? Ce qui était fait était fait, donc je me suis dit à moi-même qu’on en reparlera s’il continue d’avoir l’air aussi triste.



Mardi 17 mai, c’est aujourd’hui que doit se faire mon entrevue avec le Directeur de santé scolaire! Le lendemain sera férié, puis je serai à l’extérieur les deux jours suivants. Ce sera ensuite la fin de semaine et je dois présenter mes résultats d’analyses d’entrevue à une rencontre interministérielle en début de semaine prochaine. Toujours aucune nouvelle de Dr Joseph, malgré les appels/textos/courriels matinaux. Je me suis donc connecté à Skype à 10h et l’ai ajouté à ma liste de contacts… en vain. Mes collègues sont vite venus couper court à ma déception. La coordonnatrice du Programme intégré en santé, une Québécoise vivant en Haïti depuis quelques années, m’a demandé d’assister à une présentation des résultats d’évaluation mi-parcours de leurs interventions en santé communautaire, et de commenter. Ce programme a plusieurs agents communautaires qui vont dans les villes et villages pour faire de l’éducation et de la formation en promotion de la santé. Concrètement, ils s’assurent que les gens ont des latrines salubres et savent comment les utiliser, qu’ils savent comment traiter leur eau si elle vient d’une source insalubre, qu’ils connaissent les rudiments de l’hygiène, qu’ils puissent reconnaître les premiers symptômes de maladies comme la malaria, qu’ils fassent un suivi de grossesse lorsqu’enceintes, etc. Bref, de la santé publique appliquée sur le terrain! On avait demandé à une firme experte en évaluation de Harvard de mener à bien ce contrat. Cependant, ceux-ci ne partageaient pas la méthodologie employée pour faire leurs analyses… absolument ridicule, mais bon. Les territoires comparés n’étaient pas réellement comparable. La zone où les interventions étaient menées se situait en milieu rural (donc des personnes ayant souvent un niveau d’éducation moins élevé et un accès plus difficile aux ressources), alors que la zone de comparaison exempte d’intervention dont ils se servaient pour voir si l’intervention avait eu des effets était en milieu urbain, près de Jacmel. Ont-ils donné un poids supérieur aux réponses des personnes en milieu rural qui ont un niveau d’éducation plus élevé? Ont-ils essayé d’ajuster d’une autre façon? Aucune idée. L’équipe terrain ici en Haïti est pleine de bonne foi, de détermination et a un grand sens du jugement. Ils ont donc su exposer avec justesse et tact les faiblesses des analyses qu’ils présenteront aux intervenants qu’ils supervisent sur le terrain. Un exercice de réflexion fort intéressant, en somme! Nous sommes sortis dîner en ville pour la fête d’un des membres de l’équipe, Djarouss (vous avez déjà une idée de mon absence de talent pour les noms… ça se prononce comme ça mais ça risque de s’écrire très différemment). Alors que nous dévorions des griots de porc, fruits de mer, pikliz et bananes pesées et nous désaltérions avec une bonne Prestige (une bière locale très douce), un débat enflammé avait lieu autour de la table sur les croyances et religions en Haïti. Ici, il y a beaucoup de catholiques, protestants, adventistes et témoins de Jéhovah, en plus d’une multitude de pratiquants du vaudou ou d’autres religions. D’ailleurs, j’ai appris que les adventistes ne mangeaient pas de produits de la mer qui n’ont pas d’écailles (bref ils ne mangent que du poisson), parce qu’il y aurait un passage dans la Bible qui dit qu’il ne faut pas manger ça. Le saviez-vous? Le débat fut animé et fort intéressant et, pour plusieurs, allait au-delà de leurs croyances propres. J’aimerais bien découvrir davantage les rites vaudous en Haïti. Shelley-Rose (ma superviseure québéco-haïtienne qui m’a amené au cimetière de Port-au-Prince) m’a dit que c’était possible de visiter des hougans, ces prêtres vaudous, si on est accompagné d’Haïtiens. On verra si l’opportunité se présentera! En attendant, je me suis fait inviter à une messe chrétienne par une de mes collègues... qui commence à 6h AM et dure jusqu’à 10h AM! On verra bien… j’ai quand même eu mon lot de messes au Québec…! Au retour au bureau, un énorme gâteau à l’ananas nous attendait, pour Djarouss (je pense à : «déjà rousse??», pour me rappeler de son nom). S’en est suivi des chants de bonne fête qui m’ont vraiment surpris. Jamais je n’ai entendu les gens chanter bonne fête avec autant de conviction et de force. On se serait crus devant un chœur gospel. On ne peut pas dire qu’ils chantent leurs souhaits d’anniversaire par dépit, en tout cas…! Quelques heures de travail et hop, de retour à l’appartement. Pendant le reste de la journée, Vladimir s’est fait extrêmement insistant, en m’envoyant plusieurs messages, appels, etc. pour me demander ce que je faisais, où j’allais, qu’est-ce que je mangeais, etc. Étrange. J’ai accepté son offre de venir me visiter, mais il est resté muet comme une carpe à en être presque malaisant. Je suis capable de stimuler la conversation, mais ce n’était pas tant plaisant.



Mercredi 18 mai, bonne fête du drapeau, chers amis Haïtiens! Le premier drapeau haïtien a vu le jour en 1803 et était alors composé de deux bandes verticales, bleue et rouge, qui représentaient les noirs et les mulâtres. Le bleu a parfois été remplacé par du noir, entre autres sous Duvalier, en 1964. Depuis 1986, Haïti a le même drapeau que nous connaissons aujourd’hui, arborant deux lignes horizontales, bleue et rouge, ainsi que les armes de la République entourées d’un palmiste au centre, symbole de liberté. En allant au bureau, nous sommes passés par la ville où il y avait des parades, de la musique et des enfants qui couraient partout, faisant flotter leur drapeau à bout de bras. De belles célébrations, qui sont toutefois demeurées bien timides en ces temps d’instabilité politique, selon certains Haïtiens. Pour ma part, j’ai laissé tombé tout espoir pour mon entrevue avec le Directeur de santé scolaire du Ministère de l’éducation. J’ai décidé de lui envoyer le questionnaire et de lui demander de me répondre par écrit, aussitôt que possible, y croyant plus ou moins. J’ai donc travaillé sur autre chose, dans les bureaux complètement vides de la Croix-Rouge. Puisqu’il n’y avait pas de dîner servi, je me suis ensuite rendu au Cyvadier pour manger en milieu d’après-midi. J’ai décidé de consacrer mon après-midi au créole. Les employés de l’hôtel s’en sont rendus compte et, un grand sourire aux lèvres, venaient me parler un après l’autre. Connaître la langue du pays visité ouvre toujours des portes. Je m’en suis rendu compte en Argentine il y a plusieurs années, d’abord complètement ignare de l’espagnol, puis de retour en maîtrisant cette langue. J’avais l’impression de visiter deux pays différents. D’ailleurs, la langue nous permet de mieux comprendre la culture du pays, par ses acrobaties syntaxiques marquées par les événements historiques. En entendant le créole, on devine que ce peuple s’est construit un dialecte, qui est ensuite devenu une langue, à partir du français qu’ils écoutaient de la bouche de leurs colonisateurs. Fascinant. D’ailleurs, saviez-vous que la Constitution haïtienne a très longtemps été écrite seulement en français, avant d’être traduite au créole il y a quelques décennies? De plus, Duvalier interdisait l’enseignement du créole dans les écoles, imposant le français à tous. La reconnaissance de cette langue aujourd’hui est donc le fruit d’une longue lutte, la sauvegarde du créole figurant comme une autre victoire de l’Haïtien émancipé. Savoir la langue du pays nous donne également accès à cet univers caché aux touristes, à l’intimité des Haïtiens. Depuis que je me débrouille un peu mieux en créole, les gens me laissent leur numéro de téléphone, restent plus longuement pour me parler, m’invitent même chez eux. Ça motive à apprendre et à pratiquer! Après avoir eu droit à un coucher de soleil magnifique (voir photo), je suis rentré à mon appartement. Un ami colombien, qui fut autrefois un de mes étudiants à l’Université Javeriana de Bogota, m’avait laissé quelques messages pour que je me connecte à Skype. Par curiosité, je me suis branché pour discuter avec lui. Un nouveau projet fort intéressant m’était proposé : appuyer la planification et l’évaluation d’un programme de prévention en abus de substances psychoactives, pour les jeunes et populations marginalisées d’une municipalité de Cali, dans le nord de la Colombie. Après avoir jugé de l’implication ça demandait, j’ai accepté avec certaines conditions de disponibilités. (J’ai été sage, Julie Loslier, je te promets!) Un autre défi intéressant à relever!



Jeudi 19 mai. Une grande surprise m’attendait à mon arrivée au bureau. Quelques secondes à peine après avoir mis en marche l’air climatisé, j’ai reçu un appel de ma superviseure au Ministère de la santé. Le Directeur de santé scolaire l’avait appelé pour lui dire qu’il préférait ne pas répondre par écrit vu que ça rendrait peu justice au contenu qu’il voulait partager… et m’offrait une entrevue en personne à Port-au-Prince le samedi suivant! Ouf, ça me laisse peu de temps pour les analyses, mais j’ai accepté. Je me suis donc organisé pour partir pour la capitale le samedi tôt, pour ensuite rester jusqu’à mercredi, après la rencontre interministérielle. Une bonne chose de réglée. Ce matin, nous devions aller visiter le SONU-B de Marigot : départ à 10h. À ma grande surprise, une de celles qui nous accompagnait est partie pour la banque à 9h40. À 10h, je reçois l’appel de Dre Sanon qui m’annonce qu’elle nous attendait à son bureau pour partir. Je lui explique la situation et elle n’a pas l’air de s’en faire trop trop. Passe le temps… 10h30… J’envoie un texto à notre collègue qui manque à l’appel… 11h… Je l’appelle et elle me dit qu’elle sera là dans quelques minutes… 11h30… Je texte Dre Sanon pour lui dire que je suis vraiment désolé, que je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle notre collègue est aussi en retard… 12h… et finalement 12h30, elle arrive! Elle m’annonce alors qu’il y avait beaucoup d’attente à la banque et qu’il y a eu un problème de voitures, donc que notre visite était annulée. J’étais complètement mal à l’aise et décontenancé. J’ai ensuite compris que Dre Sanon nous attendait à son bureau, mais qu’elle pouvait s’occuper très facilement avec la tonne de dossiers qui l’attendaient. Quand on a pu enfin lui donner des nouvelles, encore une fois, c’est comme si rien ne s’était passé. On remettra ça à un autre jour, ce n’est pas très grave. Sur le moment, c’est la frustration du heurt de nos principes nord-américains et de notre relation maladive avec le temps qui m’ont envahis, mais j’ai ensuite compris que les choses sont différentes ici. Les aléas menant à un retard sont d’un tout autre ordre : trafic et bouchons interminables, des services publics qui respectent peu leur horaire et qui, une fois ouverts, sont complètement bondés, l’importance donnée au fait de s’informer et prendre le temps de parler aux amis rencontrés sur la route… Une bonne leçon pour moi. Étant habitué de régler mon agenda à la minute près au Québec, voilà que c’était moi cette fois qui était inadapté et indûment préoccupé. … Bon, je me suis quand même assuré deux fois plutôt qu’une de l’heure à laquelle on partirait le lendemain. Foutue déformation nord-américaine…! Ça me prendrait plus qu’un séjour de deux mois pour m’en défaire. En après-midi, l’esprit plus reposé et l’estomac bien rempli, je me suis remis au travail. En soirée, je me suis mis au lavage version haïtienne. Qu’est-ce que ça implique? Du savon liquide, un bassinet qu’on remplit d’eau à 3 occasions (laver sans savon, laver avec savon et rincer) et de l’huile de bras! Heureusement, j’avais déjà appris les rudiments de la chose au Sénégal. J’avais même déjà perfectionné l’art de faire le petit ‘skouic-skouic’ tant important lorsqu’on frotte le linge sur la paume de sa main et l’avant-bras. Au Sénégal, on nous disait que c’était le gage d’un lavement de qualité, ce ‘skouic-skouic’! Mais en réalité, ce son résulte simplement du fait de serrer une partie de linge remplie d’eau et de savon. Je vous invite à laver à la main des vêtements dont la qualité vous importe un peu moins, à la maison. C’est tout un exercice! Je me suis ensuite endormi au milieu d’une série de banderoles de boxers, bas, shorts et camisoles improvisées.



Vendredi 20 mai. Tel que prévu (avec seulement quelques petites minutes de retard!), le camion de la Croix-Rouge klaxonnait à l’entrée de mon appartement vers 6h15. Nous sommes allés chercher Dre Sanon (truc mnémotechnique : ça, non!!), Magdala (truc mnémotechnique : je pense à des amygdales… amygdala en anglais… faut le faire!) et Domon (truc mnémotechnique : je pense à un ami d’enfance dont le nom de famille est Aumont… D’Aumont!). Domon est un homme souriant et incroyablement sympathique que les situations anxiogènes font bégayer un peu, ce qui ne l’empêche en rien d’être un professionnel épanoui et rassembleur. Notre chauffeur s’appelait Bélizère (je cherche encore un truc mnémotechnique que je saurai associer à son visage… à suivre). Nous sommes donc partis dans l’ouest du département, traversant les montagnes alors que nous apercevions une entrée en terre de la mer des Caraïbes, au loin. En bordure de cette petite baie était érigée Bainet, une petite ville côtière charmante, qui a le privilège d’avoir un hôpital SONU-B. Sur le chemin, nous croisions des chèvres qui mâchaient des feuilles en escaladant drôlement les buissons, des ânes qui semblaient faire tout sauf ce que leur propriétaire demandait, des motos chevauchées par 3, 4 ou 5 personnes portant des marchandises à la taille impressionnante, des kiosques au nom comique (Sang de Jésus dépôt, Seigneur tout puissant quincaillerie, par exemple). Alors que défilaient des paysages magnifiques devant nos yeux, de grandes balades aux paroles langoureuses et dignes d’un Arlequin, parfois françaises, parfois haïtiennes, parfois françaises chantées avec un accent haïtien, me faisaient sourire. Ce qui me faisait encore plus rire, c’était d’entendre l’animateur couper la chanson entre un « Je t’aime ma flamme, mon cœur » et un « Sans toi je ne suis rien » pour dire : « Allô, allô, allô? Allô Joséphine? Vous êtes en onde Joséphine. Allô? », essayant presque toujours en vain d’interpeller l’auditeur qui l’a appelé au studio. Nous sommes enfin arrivés au SONU-B. Mon premier contact avec un hôpital haïtien. Ouf… Aucun médecin n’était sur place. Seulement un médecin résident (qu’on appelle médecin en service social, ici) était au travail, mais était parti avec l’unité mobile de l’établissement pour faire des soins de proximité. Une seule infirmière menait tout ce qui se passait dans l’établissement, peu importe ce que c’est. Elle n’était pas seule, pourtant. Il y avait une autre infirmière, mais qui est payée de 8h à 17h par une organisation internationale qui ne lui permet que de faire du suivi VIH. Deux autres personnes plus loin travaillaient quant à elles sur la base de données en VIH, encore une fois avec le mandat d’une ONG internationale. L’une d’entre elles était une sage-femme. Heureusement, au-delà de ces assignations rigides, il y a de l’humain. Cette sage-femme donnait un coup de main lorsqu’il y avait des accouchements, sur ses heures de travail. On m’a rappelé que le VIH/SIDA est devenu extrêmement sexy aux yeux du monde entier, il y a quelques années. Des grandes organisations, bien intentionnées, mais qui ne connaissaient rien au contexte sanitaire des pays en voie de développement, ont donc décidé de l’argent pour le VIH. Mais seulement pour le VIH… Voilà donc pourquoi il y a, dans de nombreux pays, une myriade de ressources dédiées à cette maladie, alors que toute autre personne séronégative qui souffre d’autres maux, sont laissés pour compte. Il y avait même un temps où les gens célébraient lorsque leur test de VIH devenait positif, puisqu’il s’agissait d’une porte d’entrée vers des médicaments gratuits, une plus grande disponibilité des professionnels de santé, un accès à des plateaux techniques de fine pointe, etc. Contre-productif, direz-vous? Je dirais que c’est l’apothéose de l’aide humanitaire aveugle, des pays du Nord qui se délaissent d’une petite partie de leur fortune pour faire pleuvoir de l’argent sur des sociétés qui deviennent ainsi encore plus désorganisées. Il existe des experts en organisation de l’humanitaire, mais la bonne foi des donateurs est souvent aveugle, malheureusement. J’encourage à 100%!l(MISSING)es gens et organisations à investir dans les pays en voie de développement, mais il faut le faire de façon réfléchie et responsable, pour que cette aide extérieure serve au développement organisé et pérenne des systèmes sociétaux, pas seulement à une maladie qui aura capté davantage l’œil des journalistes qu’une autre. Le VIH étant devenu une maladie chronique et ayant perdu un peu de son glamour aux yeux de la communauté internationale, les sommes qui y sont dédiées sont moins faramineuses qu’elles l’étaient et la situation a quelque peu changé. De plus, certaines organisations ont accepté que leurs ressources soient partagées avec les besoins des communautés où elles évoluaient. C’est ce qui a permis à cette sage-femme de se dédier aux besoins urgents du SONU-B. Malgré tout, il demeure une certaine incongruité par rapport au VIH. Alors que les antirétroviraux coûtant des milliers de dollars y sont disponibles, la pharmacie n’a plus d’ampicilline (de la pénicilline) depuis plus d’un an. Même chose pour d’autres médicaments de base, comme le sulfate de magnésium, que n’importe quel hôpital – surtout s’il reçoit des urgences obstétriques et néonatales – devrait avoir. Alors que Dre Sanon faisait son inspection, je glissais quelques questions de ma grille entre ses commentaires et recommandations. Je ne m’attendais pas à devoir procéder ainsi… Plutôt que d’avoir un temps dédié pour l’entrevue, je devais l’immiscer au cœur même de la visite de contrôle, courant parfois derrière l’infirmière débordée. Heureusement, j’ai pu revalider les réponses obtenues, lors de certains moments plus calmes. Ça devait être bien comique, cependant, de voir l’infirmière avec sa traînée d’évaluateurs haïtiano-québécoise arpenter les couleurs de l’hôpital. Je devais évaluer l’utilisation de plusieurs outils, dont un bon nombre sont restés entre les mains d’une seule infirmière qui ne les a toujours pas partagés : Miss Lovely. (pas besoin de truc mnémonique pour retenir son nom, elle…!) Elle était malheureusement absente ce jour-là, donc l’entrevue sera pour un autre moment! Sur le chemin du retour, nous avons dû nous arrêter vu qu’il y avait une foule incroyable à un marché que nous devions traverser. Mes collègues en ont profité pour acheter des mangues, ananas et papayes, après avoir fait montre de leur impressionnante capacité à bargainer. Alors que tout le monde retournait chez soi en ce vendredi après-midi, j’ai décidé d’aller au Cyvadier pour savourer…. Une pizza!!!!!! J’ai su, en parlant avec le personnel de l’hôtel, qu’il y avait possibilité de manger de la pizza les vendredis en soirée. Quel bonheur!! Je me suis donc fait plaisir après une belle semaine de travail, en m’offrant une pizza énorme. Tellement énorme que je n’ai pas pu la terminer, au grand bonheur du chauffeur qui m’a ramené chez moi.

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